SMART CITY, Épisode 5 : Il était une fois, la gouvernance



Précédemment dans « SMART CITY », nous nous sommes penchés sur les approches définitionnelles de la ville intelligente. Pour ce nouvel épisode, nous vous réservons une introduction aux recherches liées à la gouvernance des smart cities afin de mieux cerner leurs enjeux.

La base de gouvernance de la smart city

La gouvernance de la smart city fait partie des changements les plus profonds que la ville est en train de vivre. Cependant, la littérature académique sur le sujet, aussi bien au niveau empirique qu’au niveau théorique, est encore balbutiante et fragmentée. Les modes traditionnels de gouvernance peuvent être représentés selon 4 typologies (Pierre, 1999) :

1 – Le modèle gestionnaire qui met l’accent sur une gestion efficace des services publics,

2 – Le modèle corporatiste qui mise sur un fonctionnement de démocratie participative en intégrant les groupes d’intérêts dans les concertations,

3 – Le modèle « pro-croissance » qui favorise le développement économique,

4 – Le modèle basé sur le bien-être qui vise avant tout les villes économiquement vulnérables et dont l’inclusion sociale et les transferts de l’État sont primordiaux.

Les modèles gestionnaires et pro-croissance s’inscrivent dans une logique de résultats tandis que les modèles corporatistes et de bien être dénotent plutôt d’une logique de processus.

La gouvernance de la smart city peut être rapprochée du modèle gestionnaire et du modèle pro-croissance, l’accent mis sur l’efficacité des services publics et le développement économique étant prépondérant. Nous pouvons également la rapprocher de la pluralisation des systèmes politiques urbains émergeant dans les années 80 et 90 et aboutissant à des tendances nouvelles de gouvernance (Pinson, 2006) : d’une part, l’ouverture des agendas urbains aux enjeux du développement économique et de l’attractivité du territoire et, d’autre part, l’usage du projet comme instrument de l’action publique. Ainsi les projets de ville et les projets urbains (régénération d’un morceau de la ville) transcrivent les dispositifs d’action collective et les visées stratégiques de la ville par rapport à son environnement et ses avantages comparatifs.

Les changements majeurs qu’introduit la smart city

La gouvernance de la smart city intègre cependant trois éléments nouveaux : l’innovation, les données et les modèles de gouvernance participative basés sur le citoyen et non des groupes d’intérêts.

Traditionnellement, l’innovation par le secteur public est vue comme un oxymore (Borins, 2002). D’un point de vue économique, le secteur public représente un monopole manquant ainsi d’incitations concurrentielles à innover. D’un point de vue politique, le pointage des erreurs d’un gouvernement par les médias et les partis d’opposition constituent une forte barrière à la prise de risque. Enfin, d’un point de vue organisationnel, les grandes bureaucraties publiques sont structurées afin de fonctionner de manière stable dans la provision des services publics. Cependant, ces dernières années, les TIC et les réductions budgétaires ont été des facteurs importants d’innovations organisationnelles (Borins, 2002). Cela s’est notamment traduit par le mouvement de la gouvernance électronique, source de nouvelles formes de participations citoyennes et de provisions des services publics. Depuis une vingtaine d’années, une littérature académique s’est développée dans ce domaine et la littérature sur la smart city en reprend certains de ses résultats, notamment concernant le renforcement de la qualité et de l‘efficacité du gouvernement par le biais de synergies entre les structures sociales et la technologie.

Cela tend néanmoins à prendre une autre ampleur car ce n’est plus seulement d’un niveau organisationnel dont il est question mais du système urbain dans son ensemble (Meijer et Rodríguez Bolívar, 2016). C’est ainsi le rôle de l’ensemble des acteurs de la ville qui est redéfini. Nous assistons en effet à des possibilités d’actions inédites de la part de chacun et cela se traduit par des collaborations nouvelles mais aussi des concurrences nouvelles. D’un côté, le secteur privé peut proposer des services urbains directement au citoyen, court-circuitant ainsi le secteur public tout en rentrant en concurrence avec lui. D’un autre côté, les projets de smart city sont caractérisés par une multiplication des partenariats privés-publics. De ce point de vue, il ne s’agit plus de penser comment les gouvernements locaux peuvent, via les TIC, améliorer l’efficacité des services publics ou développer des plateformes de participation citoyenne mais de comprendre comment cette redistribution des rôles influence la fabrique de la ville dans son ensemble.

Le dernier niveau de changement de gouvernance que la smart city propose est celui relatif aux données. En effet, au centre de beaucoup de débats, la capacité nouvelle des villes à capter toutes sortes de données procure de nouvelles possibilités d’actions publiques dont les mécanismes et implications commencent tout juste à être étudiés. Les données et les algorithmes qui les exploitent se posent comme une nouvelle forme de gouvernance urbaine, à la fois neutre, apolitique et permettant des décisions plus efficaces. Néanmoins, cela reste une vision plus idéologique que concrète (Kitchin, 2015). Il sera nécessaire dans les années à venir d’étudier en profondeur les mécanismes à l’œuvre afin de comprendre tous les tenants et aboutissant de cette nouvelle forme de gouvernance.

Notre étude de la gouvernance continue au prochain épisode avec un focus sur les objectifs attendus de la gouvernance d’une smart city ainsi que le positionnement de la ville dans cette organisation.

 

À suivre …