Transformation numérique du service public : Visio-relais et assistants virtuels



La transformation numérique touche le fonctionnement des organismes publics et modifie également la mise à disposition des services de l’administration publique. Des visio-relais à l’assistance virtuelle, il n’y a qu’un pas que les avancées dans l’intelligence artificielle poussent à franchir !

Depuis 17 ans, le département de la Manche voit son territoire quadriller de visio-relais. Aujourd’hui au nombre de 23 sur le département, ils pallient aux difficultés d’accès au service public de zones rurales reculées. En effet, équipées d’un écran tactile, d’une caméra, d’un scanner et d’une imprimante, ces bornes permettent d’échanger avec un agent d’un service public partenaire. Il est entre autres possible de contacter la CAF, la CPAM, l’URSSAF ou même Pôle emploi.

Nouveau visio-relais à Lessay. ©Ouest France

Nouveau visio-relais à Lessay. ©Ouest France

Ce projet, porté par Manche Numérique, s’est récemment renouvelé en y ajoutant un partenaire de poids : Microsoft. En simplifiant le logiciel et en améliorant son accessibilité, les parties-prenantes ont cherché à populariser davantage l’usage de ces bornes. Cette démocratisation passe également par un maillage plus fin de ce réseau de visio-relais sur le territoire. Selon Morgan Hervé, directeur général de Manche Numérique, l’objectif « est d’atteindre le nombre de 30 [bornes, ce] qui suffira pour couvrir la Manche de façon optimale par rapport aux bassins de vie ». Ce projet devrait coûter 250 000 euros, soit « quatre fois moins cher en investissement et trois fois moins cher en fonctionnement », d’après Morgan Hervé.

De tels projets apportent une solution permettant conjointement de pallier aux difficultés de financement des collectivités territoriales et de répondre aux exigences des citoyens en termes de service public. Ils lancent également des interrogations quant à l’avenir de telles plateformes et de la numérisation des services publics. Intéressons-nous aux usages et à l’équipement en outils numériques des Français. L’édition 2016 du Baromètre du numérique nous indique que 82% disposent d’un ordinateur et 65% d’un smartphone. Sur toute la population, on recense 87% d’internautes. Il apparaît alors légitime de se dire qu’un chatbot ou un assistant virtuel pourraient compléter l’action des visio-relais voire même, à terme, la remplacer.

Chatbots et assistants virtuels : l’avenir des services publics ?

Pour faire simple, un chatbot est un programme informatique qui interprète les messages que l’on lui envoie (par SMS, par e-mail ou sur un chat) et y répond par des réponses pré-enregistrées suivant le schéma établi par un algorithme. Cette technologie est loin d’être nouvelle : le premier chatbot a été créé en 1966 par un professeur du MIT. Elle s’est néanmoins démocratisée depuis l’intégration au sein de nos smartphones des Siri, Google Now et autres Cortana. Nouvellement, ces outils se sont vus injecter une dose d’intelligence artificielle qui les fait évoluer de simples agents conversationnels à de véritables assistants virtuels. Ces dernières années, ils ont acquis la capacité d’apprendre de nos (ré)actions et sont capables de dialoguer en tenant compte des réponses précédentes (deep learning). Les chatbots plus ont également envahi les applications de messagerie instantanée (Facebook Messenger, WhatsApp, Skype, etc.) et ont été pris d’assaut par les marques souhaitant renforcer leur contact client. A titre d’exemple, à ce jour, il serait possible de trouver plus de 30 000 chatbots sur Facebook Messenger pour commander une pizza, demander la météo ou recevoir les dernières actualités par exemple.

Une étude réalisée par Gartner estime que les assistants personnels virtuels prendront en charge 40% de nos interactions mobiles d’ici 2020. Cet avènement de l’assistant personnel et du chatbot accessibles par tous pose la question de l’apport de ces technologies aux services publics. Un robot a désormais la capacité de comprendre et d’interpréter les demandes des usages dans un langage naturel. Beaucoup plus intuitif qu’un moteur de recherche classique, ces outils peuvent également apprendre de leurs erreurs et tenir compte du contexte de la discussion.

Une inquiétude persiste : 86% des Français interrogés dans le cadre d’une étude Genesys et Interactive Intelligence déplorent une perte de contact humain par la mise en place de chatbots. Pourtant, plus de numérique n’est pas inévitablement synonyme de dégradation des rapports humains. Si l’intelligence artificielle prend en charge les tâches basiques et avec peu de valeur ajoutée, les agents seront plus à même de prendre le temps de répondre à des besoins plus spécifiques et nécessitant plus d’attention et de suivi. En définitive, puisque seules les démarches régulières ou ne nécessitant pas l’intervention particulière d’un agent seraient déléguées aux assistants virtuels, la relation entre service public et usager serait renforcée et améliorée.

Dans des zones peu desservies par les services publics, l’accompagnement de chaque citoyen serait rendu possible par les chatbots malgré la distance avec un établissement public. Si de tels assistants virtuels sont disponibles sur nos smartphones ou sur un navigateur Internet, le réseau de service public serait consolidé puisque rendu accessible à un plus grand nombre.

Une intégration à réaliser en douceur pour ne pas aggraver la fracture numérique

Concrètement, il pourrait être possible de rechercher les horaires et les coordonnées d’un service, de pouvoir être accompagné dans des démarches administratives (en cas de perte ou de vol de ses papiers, de leur renouvellement, consultation d’offres d’emplois ou de ses droits à des aides, inscription à tel ou tel service rendu par la collectivité, etc.). Tout ceci (et plus encore, cela reste à imaginer) serait possible instantanément, intuitivement et à toute heure du jour et de la nuit. Il existe cependant un point à ne pas négliger : la fracture numérique. On l’a vu, une grande majorité de Français ont accès à Internet. La minorité restante ne doit pas être délaissée pour autant sous peine d’aggraver le fossé entre ceux qui ont accès aux TIC et cette minorité, souvent en difficulté financière et sociale. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas limiter les chatbots à une application sur nos smartphones : les intégrer aux visio-relais peut être une solution. En effet, ces derniers permettent à des non-initiés à l’informatique ou à ceux qui n’y ont pas accès de profiter aussi facilement que les autres des services publics.

Pour autant, un assistant virtuel ne peut pas remplacer un agent en chair et en os à chaque fois. Il faut donc prévoir de pouvoir transmettre la requête à un agent de la fonction publique si le chatbot ne peut pas y répondre. Néanmoins, l’expérience d’Amelia au Royaume-Uni nous montre que chaque erreur commise entraîne un processus d’apprentissage qui pourra rendre l’intelligence artificielle plus efficace la fois suivante. Les chatbots ont, assez évidemment, encore du chemin à parcourir avant de pouvoir répondre avec précision à toutes les demandes. Les avancées qui sont néanmoins réalisées dans le domaine de l’intelligence artificielle ces dernières années et leur disponibilité au grand public (Google Assistant, Siri d’Apple, Alexa d’Amazon, Bixby de Samsung, Microsoft Cortana, Facebook M, etc.) ne font qu’espérer une meilleure intégration de ces technologies au service public et à l’e-administration. Meilleure intégration qui s’avère nécessaire à l’amélioration et la modernisation de l’administration publique.

Par Quentin Hellec.