Le Lab des Usages a eu la chance de participer à l’Atelier Smart City organisé le 8 juillet dernier à Issy-les-Moulineaux, dans le cadre de la Cloud Week. L’atelier était organisé par le Forum Atena, une association qui se conçoit comme une plateforme fédératrice de ressources, pour une analyse des grandes tendances du numérique. Le Forum ATENA organise ainsi régulièrement des événements faisant se rencontrer experts, entrepreneurs, particuliers… les derniers ateliers ayant porté sur : les médias numériques, la cybersécurité, l’e-gouvernement. Christian RENARD, PDG d’Aximark et membre administrateur de l’association, coordonnait l’organisation de ce premier atelier sur la Smart City, dont il est le créateur (programme détaillé).
© 2015. Voirin Consultants
La Smart City est une des tendances les plus prometteuses de la transformation numérique, mais aussi une des plus complexes à appréhender, de par la variété des acteurs impliqués et thématiques abordées. Les élus et collectivités locales sentent bien la nécessité de s’adapter aux changements, et pour les plus audacieux, de les initier. Des grandes multinationales comme Cisco ou IBM ont détecté que les bouleversements à venir nécessiteront de la part des villes des investissements conséquents dans les infrastructures et se sont emparées de la tendance. Et puis il y a les individus, partagés entre posture de consommateur, de citoyen ou d’entrepreneur, de plus en plus décidés à peser dans la gouvernance de la cité.
L’atelier s’est déroulé dans la belle salle multimédia de l’Hôtel de Ville d’Issy-les-Moulineaux, entre colonnes XVIIIe et matériel de retransmission high tech. Le choix même du lieu n’est pas anodin, car Issy-les-Moulineaux cultive une image de ville à la pointe des nouvelles pratiques. Entre la station de métro et l’Hôtel de ville, il était déjà possible d’observer les traces du numérique dans la ville :
1/ Après @FA_SmartCity, les traces du numérique dans la ville… A 200m de l’HdV @Issylesmoul, l’abribus interactif ! pic.twitter.com/eTdZyQ6uXk — Lab des Usages (@LabdesUsages) 9 Juillet 2015
2/ Après @FA_SmartCity les traces du numérique ds la ville @Issylesmoul le livre en QR code #ouvrirloeil #motsdernité pic.twitter.com/93JTDmZeSq — Lab des Usages (@LabdesUsages) 9 Juillet 2015
3/ Après #fasmartcity, discuter avec 1 jeune à l’Office du Tourisme : « Le numérique à @Issylesmoul ? allez voir Le @lecubetwit !! » — Lab des Usages (@LabdesUsages) 9 Juillet 2015
La conférence est d’emblée placée sous le signe de l’interactivité avec le public. Alain WEILLER, maître de cérémonie, n’hésite pas à interroger quelques spectateurs: un consultant, une chef de projet, un retraité d’Orange…
C’est Carlos MORENO, conférencier international reconnu qui inaugure les keynotes, avec une présentation vibrante qui démontre l’importance et l’actualité du sujet, au cas où quelques personnes en douteraient encore. Plus de la moitié de la population vit désormais dans les villes (source : ONU), et cette urbanisation massive se développe surtout en Asie du Sud-Est, ou le dynamisme économique et les codes culturels urbains attirent les nouvelles classes moyennes asiatiques.
De nouveaux modèles s’inventent : la ville de l’avenir sera « polycentrique, polymorphique, maillée ». La clé de répartition du pouvoir change également, « le maire d’une grande ville aujourd’hui est parfois plus puissant qu’un ministre », ose le professeur Moreno. Mais « comme tout organisme complexe, il suffit parfois de peu de chose pour dérégler » une ville. Les villes qui réussissent sont celles qui parviennent à « cultiver leur identité socio-territoriale ». Le grand défi de demain :
#fasmartcity @carlosmorenoFR « Comment créer des services #numériques qui répondent au #liensocial? Au besoin primordial de l’humain? » — Kawaa (@kawaa_co) 8 Juillet 2015
et enraciner le numérique dans la ville de façon à favoriser l’émergence de réseaux sociaux de proximité.
C’est ensuite le tour de Xavier DALLOZ, spécialiste des technologies de l’information et fin dénicheur des tendances, connu pour avoir organisé les premières conférences en France sur le web (en 1994) et sur le big data (en 2010). Sa présentation est organisée autour d’une conviction très forte : « la ville va jouer au 21e siècle le rôle de l’entreprise au 20e ». Les infrastructures physiques vont se doter peu à peu de capteurs qui optimiseront l’efficacité des réseaux, mais la ville intelligente sera avant tout le résultat de l’implication des citoyens. Or, s’il est possible de prédire les technologies futures, il est beaucoup plus difficile d’anticiper les évolutions sociétales.
Gestion énergétique, transport, création de ressources, collaboration, gestion des données, confort dans la ville et intégration des seniors… autant de domaines dans lesquels la révolution de l’Internet des objets offre des opportunités à saisir pour les collectivités locales. Dans, ce contexte, Xavier Dalloz compare le rôle de la municipalité à celui d’un « majordome », qui comprend les besoins et facilite l’accès aux services. Il se déclare très impressionné par les villes de Montréal et Barcelone : deux exemples à creuser ! M. Dalloz n’hésite pas à défendre une opinion très tranchée, et à débattre de celle-ci avec le public. Il se déclare non opposé à une monétisation des données, mais une spectatrice lui rappelle que pour l’instant, la CNIL a adopté une position contraire…
Pascale LUCIANI-BOYER intervient ensuite en sa qualité d’élue locale pour apporter le point de vue du politique sur les évolutions de la ville. Biologiste de formation, Mme Luciani-Boyer précise qu’il vaudrait mieux parler de mutation. Comme C. Moreno, elle parle de la ville comme d’un écosystème vivant.
@paslucianiboyer, biologiste de formation : « on ne vit pas une révolution, pas une transformation, mais une mutation » #fasmartcity
— Lab des Usages (@LabdesUsages) 8 Juillet 2015
Auteure d’un ouvrage intitulé « L’élu face au numérique », Mme Luciani-Boyer veut que les 618 000 élus en France comprennent que le numérique va changer leur relation avec les citoyens. Avant, on était dans une relation du type « un pour tous, tous pour un », explique-t-elle, c’est-à-dire des relations unidirectionnelles entre l’administration centrale et les « usagers ». Aujourd’hui, nous entrons dans le modèle du « tous pour tous » et d’une nouvelle répartition du pouvoir. Pour illustrer, nous proposons à Mme Luciani-Boyer, l’exemple de Jun, ville espagnole qui utilise Twitter comme un véritable mode de gouvernance.
De son expérience d’élue de terrain et de militante multi-engagée, Mme Luciani-Boyer observe que ce sont souvent les projets initiés à la base, par un groupe de personnes insatisfaites, qui fonctionnent le mieux. A l’élu d’encourager et porter ces projets. Mais il y a danger lorsque les élus n’ont pas de vision à long terme, le risque est alors de tomber dans la surenchère d’outils sans savoir qu’en faire. Certes, on ne peut pas prévoir l’évolution des usages, mais on peut au moins savoir où on ne veut pas aller…
Le Canadien Harold JARCHE explique ensuite pourquoi la transformation du travail devrait être prise en compte dans une réflexion sur la ville intelligente. Très pédagogue, il raconte ses observations in situ en Amérique du Nord : comment des chauffeurs dans l’industrie de l’extraction pétrolifère en Alberta, très bien payés, ont été remplacés par des engins qui s’autoconduisent. Comment 10 000 avocats inscrits au barreau de New York ont vu certaines de leurs tâches remplacées par un logiciel. Partout l’automatisation bouleverse le travail. Le travail non-remplaçable de demain sera le travail complexe, créatif.
On peut voir ces mutations comme des opportunités, argumente H. Jarche : « le digital libère des énergies nouvelles ». Ce temps et cette énergie libérés pourront alors faire émerger des smart citizens. La formation de ces smart citizens se fera beaucoup de manière informelle, par socialisation. Harold JARCHE part de son expérience personnelle pour expliquer comment toutes les opportunités professionnelles qui se sont présentées à lui sont nées grâce à son blog, un espace où il mettait gratuitement à disposition du public ses connaissances. Toute une réflexion qui s’articule autour de ce que l’on donne et ce que l’on reçoit, qui n’est pas sans nous faire penser aux travaux d’Howard Becker ou Daniel Gaxie en sociologie de l’engagement militant. A nous maintenant de réfléchir à l’impact du numérique sur l’engagement des citoyens dans l’économie et la gouvernance de la ville intelligente, et aux rétributions qu’ils peuvent en retirer…
La seconde partie du programme comportait une table ronde avec des participants aux profils très divers : des fondateurs de startups (Welp, Kawaa, Hamak by PagesJaunes), une spécialiste de l’innovation, une élue, un représentant de la société du Grand Paris…
Le débat a notamment porté sur l’utilisation du numérique pour apporter un service de mise en relation au niveau local, que ce soit avec des professionnels ou pour encourager l’entraide. En ville, il y a une réelle demande pour la création de lien social, d’échange et de rencontre. Plusieurs participants issus de startups ont témoigné sur leur façon de pérenniser et étendre ces nouvelles communautés de citoyens. S’ils ont constaté que beaucoup de projets citoyens émergent de façon spontanée, ils ont aussi souligné le rôle important de l’élu local comme « moteur », « flamme », porteur d’une vision.
Le discours de clôture est revenu à André SANTINI, maire d’Issy-les-Moulineaux, qui a régalé la salle d’anecdotes hautes en couleur sur sa stratégie au long cours pour placer sa ville à la pointe de l’innovation numérique. M. Santini a expliqué que créer cette image de ville connectée (la première ville française à être entièrement raccordée à la fibre optique ) était cruciale pour convaincre des entreprises leader (Cisco…) d’y installer leur siège. La Smart City, c’est un formidable argument pour l’attractivité territoriale.
Vous pouvez rejoindre l’Atelier Smart City du Forum Atena pour participer à des manifestations futures en cliquant ici.
[A venir prochainement sur le Lab des Usages, d’autres articles et un dossier sur la Smart City]
Commentaire(s) :