L’intelligence artificielle et les données étaient sur toutes les lèvres lors de la 5e édition de Bizz&Buzz, le festival du numérique en Alsace. C’est l’occasion de nous plonger dans ce champ d’étude pour mieux en comprendre le périmètre et les enjeux !
Les enjeux de l’IA sont tels qu’ils donnent lieu à de nombreux débats de société consistant finalement en un perpétuel procès de l’IA tant les avis sont mitigés. Du fait de sa grande capacité à transformer nos vies, elle est en effet sources de plusieurs préoccupations allant de son utilité, aux conséquences de son développement pour l’emploi, sans oublier les questions liées au droit, à l’éthique et, bien sûr, à la gestion et l’exploitation des données nécessaires à son utilisation.
Ainsi, la plupart des experts et autres professionnels voyant l’IA s’imposer sur leur secteur mettent en garde sur le fait qu’elle doit avant tout rester utile à l’Homme. Cette vision utilitariste est notamment défendue par Marine Mizrahi pour qui il est nécessaire de conserver un lien direct entre l’IA et son sujet d’application afin de répondre à un problème concret et d’assurer la pertinence du service. En ce sens, Julien Wilhelm, directeur général de Managing, rappelle que les applications de l’IA impliquent une large variété d’acteurs aux profils extrêmement différents. Le service fournit par l’IA ne peut alors être pertinent que si l’on veille à ne pas négliger les experts métiers au profit des techniciens. Autrement dit, la communication est cruciale.
Dès lors se pose la question de l’emploi qui n’est que la prolongation de la crainte qu’on avait vis-à-vis des premiers systèmes automatisés. Ces derniers devenant désormais intelligents, les interrogations concernant la pérennité des emplois sont légitimes. Selon Michel Klingler, consultant chez ProEvolution, on peut aisément concevoir que des secteurs entiers vont voir leurs métiers devenir obsolètes. Pour Luis Coelho, cela constitue une sorte de « destruction créatrice » schumpetérienne. Il rappelle à ce titre l’étude publiée par Dell et le think tank californien « L’Institut pour le Futur » qui estime que 85% des emplois de 2030 sont inconnus aujourd’hui, et note par ailleurs que le métier de data scientist, élu « métier le plus sexy du XXIème siècle » par la Harvard Business Review, était encore inconnu il y a 10 ans. Mais en admettant que l’on arrive à créer des machines de plus en plus autonomes, c’est l’ensemble de la société qui va se transformer et, avec elle, notre économie. La question qui se pose alors est de savoir à quel point les machines seront capables de faire le travail des Hommes et quelles réponses à apporter. Les veilles métiers et compétences au sein des organismes spécialisés sont un élément de réponse, mais à mesure que nous développons l’IA, il sera nécessaire d’aller plus loin.
Si l’IA nous permet d’avoir des technologies capables de remplacer l’humain dans certaines tâches, il faut envisager la possibilité de voir se produire des bugs aux conséquences plus ou moins importantes. En effet, si l’erreur est humaine, les bugs eux sont bel et bien technologiques. Or, la technologie tend à avoir de moins en moins besoin d’opérateurs humains. Viennent alors les questions d’éthique, de sens moral et de responsabilité. Lina Tremisi, responsable du développement de services et produits innovants à la Compagnie de Transport Strasbourgeois, a mis en exergue le dilemme moral auquel pourrait être confronté une voiture autonome dans une situation où un accident serait inévitable. Elle rappelle ainsi que l’IA est comparable à une machine à calculer très avancée et « qu’en termes d’assurance, un enfant handicapé coûte plus cher qu’un enfant décédé ». En plus de la question concernant la responsabilité, c’est la démonstration parfaite de l’importance de l’enjeu éthique auquel l’IA nous confronte. Il apparait alors nécessaire de construire un cadre légal pertinent et efficace pour ne pas condamner prématurément l’outil qu’est l’IA quand les dangers potentiels viennent de sa mauvaise utilisation. Comme le disait Frédéric Wickert lors du festival Bizz&Buzz : « Il n’y a pas de mauvaise IA, il n’y a que des mauvais ingénieurs ».
Enfin, en considérant la dépendance de l’intelligence artificielle aux données on ne peut qu’évoquer les enjeux liés à leur gestion et leur exploitation. Enjeu financier d’abord puisque, selon Lina Tremisi, on estime la valeur moyenne des données collectées par individu à 171€ par mois, soit un marché européen de la donnée équivalent à 925 milliards d’euros valorisé principalement hors Europe puisque 57% de la valeur de ces données est captée par les États-Unis. Chaque individu a donc une valeur marchande potentielle grâce à ses données, ce qui amène aussi un enjeu législatif tant elles sont liées à nos vies privées. Dans ce cadre, il est donc de la responsabilité des autorités compétentes de mettre en œuvre un cadre qui responsabilise les professionnels tout en garantissant aux citoyens un certain contrôle de leurs données et ce, sans pour autant freiner l’innovation. Le RGPD (Règlement Générale de Protection des Données) qui entrera en vigueur à la fin du mois va dans ce sens.
Alors finalement, l’IA, on en pense quoi ?
Quoi que l’on en pense, l’IA semble être là pour durer et va évoluer. Véritable révolution pour certains, bulle spéculative pour d’autres, son évolution s’accompagnera forcément de changements importants qu’il faut anticiper et préparer. De ce fait, le travail essentiel d’accompagnement qu’il va falloir mettre en œuvre est colossal et pourrait bien être source de nouveaux métiers dans les années à venir. Mais bien que prometteuse et déjà bien établie, l’IA n’en est néanmoins qu’à ses débuts. L’innovation est un processus lent et nous sommes encore très loin des promesses de la science-fiction. Il faut cependant dès maintenant que tous les acteurs clés de l’IA réfléchissent aux réponses à apporter aux différents enjeux, car la transformation, elle, a déjà commencé !
Par Filipe-Emmanuel Vieira