Le Lab des Usages était présent le 18 juin pour représenter le cabinet Voirin Consultants à la Conférence de Paris sur le Numérique.
Organisée à l’Université Dauphine, la Conférence a débuté par un 1er débat sur le thème des plateformes innovantes. Les plateformes sont des « lieux uniques par lesquels transitent l’ensemble des informations ou des services, des espaces numériques de mise en contact entre offre et demande sur un marché spécifique » (définition du Conseil National sur le Numérique). Google, Apple, Facebook et Amazon, regroupées sous l’acronyme GAFA, sont les mieux connues. Les plateformes favorisent la désintermédiation et bouleversent les circuits traditionnels de distribution.
Catherine MORIN-DESAILLY, sénatrice de Seine-Maritime, a appelé de ses vœux une régulation offensive pour permettre une répartition équitable de la valeur ajoutée créée par les plateformes.
Jean-François BUREAU, Directeur des Affaires Institutionnelles d’Eutelsat, a souligné le trafic grandissant généré par ces plateformes. L’usage de la vidéo représente 80% du trafic. Il faut prévoir les infrastructures nécessaires, comme les satellites, pour soutenir les capacités de trafic.
Luc BRETONES, DG du Technocentre Orange, s’est demandé où étaient les géants du numérique européens », et a avancé comme piste de réponse la difficulté des startups française à passer à l’échelle supérieure, du marché français à un marché global. Il propose de se différencier des « GAFA américains » par un service qualitatif basé sur le respect et la protection des données des consommateurs.
Luc BRETONES et Denis WEISS, Directeur du programme Objets connectés de La Poste, ont tous les deux souligné le besoin l’importance de mettre en place des normes d’accessibilité, afin de permettre aux startups d’accéder aux données des grands groupes.
Le 2e débat a porté sur la révolution numérique au niveau de l’Etat.
L’enjeu pour l’Etat est de s’approprier la question du « Big Data » afin de moderniser l’action publique, rappelle Henri VERDIER, Directeur de la mission Etalab (portail data.gouv.fr).
Audran LE BARON (Service Cap numérique de la DG Finances Publiques), souligne que la révolution numérique nécessite un changement de culture au sein des administrations.
Le Cloud figure en tête des priorités, mais suscite encore des réserves pour la sécurité. Philippe TAVERNIER est président de Numergy, entreprise française de Cloud Computing. Selon lui, pour le moment les entreprises n’ont pas confiance et préfèrent protéger leurs données en les cachant plutôt que de les valoriser.
Cependant, la transformation numérique offre de nombreuses opportunités. Pour Martine GOURIET (Direction Informatique EDF), « la véritable révolution des objets connectés est dans l’industrie ». EDF les utilise entre autres pour faire de la maintenance prédictive sur les équipements. Pour Matthieu JEANDRON (Direction numérique de l’Education nationale), les plateformes et réseaux sociaux d’enseignants vont permettre d’accélérer les innovations pédagogiques. Le mot de la fin revient à Henri VERDIER qui rappelle la nécessité d’institutions adaptées.
Présentation du Plan Fibre et Très Haut Débit
Un investissement total de 10 milliards d’euros pour l’Etat. Le déploiement du réseau doit prendre en compte des spécificités françaises : la ruralité et le principe d’égalité qui guide la politique d’aménagement du territoire. Le choix fait est celui de la multimodalité, on cherche à concilier fibre et réseau mobile. L’Allemagne est citée en exemple pour l’effort d’équipement fait sur les zones rurales. En Suède, une part des revenus générés sont placés dans un fonds, et utilisés pour combler la fracture numérique.
3e débat : Le Numérique dans l’Education
La discussion porte principalement sur la place des tablettes à l’école. Catherine BECCHETI-BIZOT (Direction numérique Education Nationale) insiste sur le fait que les tablettes ne sont pas des outils substituables aux enseignants. Elles accompagnent la transformation des pratiques pédagogiques. Il ne s’agit pas d’un « plan d’équipement », il faut d’abord réfléchir aux compétences dont les élèves ont besoin. Pour Philippe MOLES, il faut faire des progrès sur la qualité de l’utilisation : 2 minutes de bug suffisent pour perdre l’attention des enfants.
Le débat se poursuit sur Twitter : @loicgervais s’interroge sur l’accompagnement des parents (pas du tout mentionnés par les participants) dans l’expérimentation des tablettes. @pissavy (cofondateur de jeuxvideo.com) critique l’idée de vouloir apprendre aux enfants à coder sur des tablettes.
4e débat : la formation aux métiers du numérique
Un débat très animé ! Les participants commencent par déplorer le faible taux de féminisation dans le numérique (10% dans les métiers techniques), qui se reflète par l’absence de femmes dans cette table ronde.
En jean et t-shirt, le directeur adjoint de l’école « 42 » (projet soutenu par Xavier Niel) Kwame YAMGNANE donne une tournure plus provocante à la Conférence en critiquant des pratiques pédagogiques inadaptées à la réalité professionnelle. « Travailler à deux au bac c’est tricher, en entreprise on appelle ça collaborer ». L’école 42 veut insuffler à ses étudiants un état d’esprit, apporter de nouvelles valeurs.
Bertrand BONTE (Institut Mines Telecom) ajoute que les lieux de formation sont à l’interface entre étudiants, entreprises et intervenants.
Denys CHOMEL (école HETIC) souligne qu’enseigner à une génération de « digital natives » bouleverse la pédagogie. « Les jeunes sont structurés mentalement par les jeux vidéo, c’est un véritable apprentissage de le complexité. Ils sont organisés selon un système ahiérarchique très différent du monde vertical de l’entreprise. »
Les métiers du numérique sont en tension sur le marché du travail, et pourtant certains informaticiens de 40 ans ne parviennent pas à trouver d’emploi : il faut améliorer la formation continue.
Discours en visioconférence de Manuel VALLS et de Benoit THIEULIN (CNNum)
Benoit THIEULIN remet au Premier Ministre le rapport Ambition Numérique du Conseil National du Numérique. Le rapport élabore une stratégie nationale pour le Gouvernement avec 70 recommandations pour une future grande loi sur le numérique.
Les grandes idées à retenir :
- Le CNNUm recommande l’inscription dans la loi du principe de neutralité du Net (non-discrimination du trafic).
- Consacrer le principe de loyauté des plateformes envers les utilisateurs : des obligations générales de transparence, d’information et de respect du droit de la concurrence.
- L’auto-détermination informationnelle : favoriser la maitrise et l’usage de leurs données par les individus.
- Nécessité d’un Innovation Act à l’européenne
5e débat : les Smart Cities
Est présent Maxime VALENTIN (responsable du projet Lyon-Quartier Confluences). A Lyon, le projet Confluences a été pensé comme un laboratoire. Mais c’est avant tout un projet d’urbanisme. La réflexion sur les territoires intelligents a été induite par le souci environnemental.
Jean Noel GUILLOT (projet Ville durable EDF) explique qu’en ville, le bâtiment est responsable de 45% de la consommation d’énergie. Le bâtiment connecté génère des données et cela modifie la relation avec ses habitants.
Les Speeches
Luc BRETONES (Chief Product Officer Orange Labs) revient pour insister sur le « droit à innover ». Pour lui, le point clé à retenir est la difficultés des start-up françaises à passer à la vitesse supérieure, à devenir des « scale-up« . A retenir également : « On commence par l’usage et ensuite on déduit le business model ».
Gilles BABINET (Digital Champion) le rejoint avec la question du besoin d’une chaîne du financement de l’innovation en France qui soit cohérente. Il faudrait prendre exemple sur les bonnes pratiques américaines pour encourager les startups, à savoir ne pas hésiter à investir 50 000 $ « juste pour voir ». @babgi clôt sur une remarque très encourageante pour le futur : on note depuis quelques mois une très « nette inflexion de l’image de la France » aux Etats-Unis. La French Tech et les initiatives françaises sont de plus en plus suivies avec beaucoup d’attention.
Vous pouvez revivre l’événement en consultant le livetweet du hashtag #ConfParisNum.