Zoom sur : Bernard Stiegler et Retour du Collège des Bernardins



Le 18 Février dernier, le Collège des Bernardins organisait dans le cadre de la Chaire « l’Humain face au défi du Numérique » une journée de conférences et débats intitulée : « Où en est l’humain face au numérique? Premiers retours, premières pistes« .

Présents à cette journée, le Lab des Usages tenait à vous faire part notre compréhension des propos de Bernard Stiegler, qui est intervenu au cours de la dernière conférence « Ressources et modèles pour penser la mutation numérique ».

photo_StieglerBernard Stiegler est philosophe qui axe sa réflexion sur les enjeux des mutations sociales, économiques, politiques et sociétales engendrées par les technologies numériques. Auteur prolifique, il est également l’initiateur du groupe de réflexion Ars Industrialis, ainsi que de l’Institut de recherche et d’innovation, créé au sein du centre Georges Pompidou.

Il observe que le numérique est protéiforme,en effet, il ne se limite pas aux simples nouveaux outils informatiques mais est répandu dans tous les objets du quotidien. On peut penser notamment à l’Internet des Objets (IoT), par exemple. Pour lui, le numérique est une technique qui nécessite un ajustement, cette technique nouvelle est pour lui un Pharmakon, à la fois poison et remède. Ainsi, de la même manière l’écriture transforma autrefois la société, et Socrate considérait que celle-ci pervertissait la cité grecque car les sophistes s’en étaient emparée pour diffuser leurs idées.

Si le numérique est un pharmakon, il a néanmoins une conséquence sociétale importante, c’est la perte des capacités de savoir au profit d’une plus grande professionnalisation pour répondre aux exigences économiques. Ainsi, l’automatisation de certaines décisions, en particulier dans le domaine financier, peuvent entraîner des tragédies non-maîtrisées et mener Alan Greenspan a déclarer qu’il ignorait le fonctionnement de systèmes qu’il devait administrer.

Un modèle économique a émergé du numérique et des technologies de l’information, c’est le modèle adopté et défendu par la Sillicon Valley : le modèle disruptif, ou modèle de rupture. Ce modèle rapide d’innovation, qui vide a remplacer le technologie par une autre technologie nouvelle, crée des vides juridiques qui ne sont pas soutenables pendant une longue période.

Le numérique et ce nouveau modèle disruptif ont également des conséquences sur l’emploi. En effet, l’automatisation grandissante dans tous les domaines menace près de la moitié des emplois américains, selon un étude de l’Université d’Oxford citée par Bernard Stiegler.1

Ainsi, comment redistribuer les gains de productivité si l’emploi n’est plus à la base de cette redistribution?

Pour Bernard Stiegler, c’est la fin d’un modèle économique macroscopique et la nécessite de sortir de la logique de l’emploi. Pour lui, l’emploi est la soumission à des processus standardisés, ainsi, le savoir échappe à cette forme de travail. Cette pratique, de soumission à des processus standardisés, est tout à fait automatisable.

Il s’agit ainsi de changer de modèle : depuis un modèle dirigé par le marché et entropique vers un modèle contributif et néguentropique, qui permettrait la création de savoir.

Quant à la rémunération des travailleurs, Bernard Stiegler suggère la mise en place d’un revenu universel et contributif, à la manière d’un statut d’intermittent.

Pour en savoir plus sur les thèses de Bernard Stiegler sur l’automatisation de la société :


Sources : 1 http://www.bloomberg.com/infographics/2014-03-12/job-automation-threatens-workforce.html