Qu’est-ce donc cette souveraineté numérique dont tout le monde parle ?

@storyset (1)
10 juin 2022

La notion de souveraineté numérique est présente sur tous les fronts et dans toutes les conversations. Les acteurs privés, les administrations publiques, les politiques, les géants de la tech… tous s’emparent de cette idée pour défendre leurs pensées et intérêts. Mais savez-vous réellement de quoi il s’agit ?

Ce premier billet de blog s’inscrit dans une série de 3 articles dédiés au cloud souverain, la nouvelle étude menée par le lab des usages. ces articles ont pour ambition de vous donner les éléments clés pour vous imprégner au mieux de ce sujet d’actualité et de comprendre les enjeux qui en découlent.

À l’origine de la souveraineté numérique, la souveraineté nationale !

La souveraineté d’un Etat se définit en droit comme la détention d’un pouvoir absolu et inconditionné par l’autorité suprême. Dans une démocratie, ce pouvoir est détenu par le peuple, qui le délègue alors à un corps politique : c’est la souveraineté nationale. En France, on retrouve ce principe à l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi qu’à l’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958.

En réalité, la notion de souveraineté est bien plus ancienne et les grands principes qui composent cette notion ont été établis dans les Traités de Westphalie de 1648 :

  • Souveraineté extérieure
  • Souveraineté intérieure
  • Equilibre des puissances

Ce système Westphalien est aujourd’hui contesté et remis en cause car il n’est plus représentatif de la réalité internationale. Ce serait alors une ère « post-Westphalienne » qui triompherait dans le cadre de la mondialisation, impliquant une suppression des frontières et une accélération des échanges, phénomènes qui ont été renforcés avec l’avènement du numérique.

La souveraineté numérique, une notion complexe à définir

Les préoccupations relatives à la souveraineté numérique ont émergé dès les années 2000, à une époque où les technologies du numérique n’étaient pas encore aussi présentes dans le quotidien des individus. Néanmoins, l’expression s’est développée en France et à l’international vers les années 2010, notamment à la suite de l’affaire Snowden. En France, c’est Pierre Bellanger qui va populariser l’expression, qui sera finalement légalement consacrée par la loi pour une République Numérique de 2016.

Malgré sa popularité, la notion de souveraineté numérique n’a pas reçu de définition officielle. Le Sénat a toutefois essayé de la définir comme la « capacité de l’Etat à agir dans le cyberespace », qui recouvre deux dimensions :

La faculté d’exercer une souveraineté dans l’espace numérique, qui repose sur une capacité autonome d’appréciation, de décision et d’action dans le cyberespace – et qui correspond de fait à la cyberdéfense

La capacité de garder ou restaurer la souveraineté de la France sur les outils numériques afin de pouvoir maîtriser nos données, nos réseaux et nos communications électroniques

Appréhender l’étendue de la souveraineté numérique, un exercice pas si simple

L’absence de définition officielle de la souveraineté numérique peut laisser penser que c’est un exercice complexe, même pour le législateur. En effet, définir une notion aussi large qui revêt des implications aussi diverses n’est pas sans difficulté. Sans avoir la prétention de vous proposer une définition de la souveraineté numérique, cet article vous expose les grands enjeux de la notion afin que vous disposiez de toutes les armes pour vous en faire votre propre idée.

LA SOUVERAINETÉ JURIDIQUE

La souveraineté d’un Etat se caractérise en partie par sa capacité à édicter ses propres lois et à n’être soumis qu’à celles-ci. Des dérives qui ont eu lieu dans les années 2010 sont apparues une forte volonté et une indéniable nécessité de réglementer le numérique et les technologies.

La France s’inscrit dans une approche libérale et défensive, à l’inverse de pays comme la Russie ou la Chine qui adoptent une approche plus autoritaire et offensive. Tout comme les autres Etats Membres de l’Union Européenne, la France souhaite protéger ses citoyens et leurs libertés contre des entités privées aux intérêts commerciaux. C’est notamment avec la protection des données personnelles des individus que la France s’est inscrite comme pionnière dans le domaine avec la loi Informatique et Libertés de 1978 en réaction au projet SAFARI de 1974.

Néanmoins, la volonté des Etats d’édicter des règles concernant les technologies, le numérique et leurs acteurs n’est pas suffisante. De nombreuses limites existent à la souveraineté juridique des Etats :

  • Non-respect des législations par les acteurs privés (montages fiscaux, exploitation de failles juridiques)
  • Absence d’extraterritorialité des législations nationales
  • Lobbying et groupes de pression dans les instances internationales (UE, OCDE, ONU)
LA SOUVERAINETÉ DES OPÉRATEURS ÉCONOMIQUES

Les grands acteurs privés étrangers, notamment américains et chinois, tendent à imposer leurs dictats dans l’univers numérique, et souvent par-dessus les lois. C’est la domination économique, par le marché, qui confère à ces acteurs le pouvoir de fixer leurs propres règles et conditions aux individus qui souhaitent utiliser leurs services.

En raison de leur grande dépendance aux réseaux et outils technologiques développés par ces entreprises privées, les Etats peinent à faire respecter leurs législations nationales. Il est dès lors primordial pour les Etats de développer des solutions nationales souveraines qui entreraient en concurrence avec les multinationales. Néanmoins, la faiblesse technologique des Etats vis-à-vis des super-puissances étrangères demande des efforts qui dépassent souvent le cadre national et obligent les Etats à mettre en place des initiatives d’envergure internationale, à l’instar des projets de l’Union Européenne.

LA SOUVERAINETÉ POPULAIRE

La gouvernance du numérique n’est plus qu’une affaire d’Etat : elle repose aujourd’hui également sur les individus et les communautés. Ceux-ci ont la possibilité de contribuer, par leurs choix et décisions, aux futurs développements technologiques et numériques.

L’individualisme pur n’a plus sa place dans l’ère du numérique : la puissance de celui-ci réside dans la mutualisation des forces des individus et des organisations. Dès lors, l’intelligence collective et le travail collaboratif revêtent une importance particulière dans l’organisation sociale à tous les niveaux. Le développement de communautés (de scientifiques ou d’utilisateurs, de niveau local, national ou international) a permis par le passé et permet encore aujourd’hui l’émergence et le développement de nouvelles technologies et usages. De plus, le management des organisations doit s’adapter afin de correspondre aux besoins et attentes des individus, plutôt qu’aux intérêts propres de l’entité.

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LA SOUVERAINETÉ TECHNOLOGIQUE

Alors que les grandes entreprises de la Tech sont majoritairement américaines et chinoises (GAMAM, BATX), la question de la souveraineté technologique devient primordiale pour les autres Etats. Force est de constater que peu de solutions technologiques sont nationales et donc souveraines. C’est tout particulièrement la coopération des Etats Membres de l’UE27 qui a vocation à faire de l’Union Européenne la 3ème puissance technologique mondiale. La souveraineté technologique pose alors la question du pouvoir de décision sur les technologies, incluant leurs développements, leurs usages, leurs accès, leur distribution, leurs offres, leur consommation, etc.

Toutes les technologies, de manière générale, posent le problème de la souveraineté technologique et numérique, mais à différentes échelles. Les exemples les plus courants et les plus parlant sont le Cloud Computing, l’intelligence artificielle, la Blockchain, l’informatique quantique, la 5G/6G, le métavers, etc.

Ce bref exposé montre bien que la souveraineté numérique est une notion qui a des implications dans tous les pans de notre société en ce qu’elle rassemble les différentes formes de souveraineté présentées. Il est donc primordial pour tout un chacun de s’approprier cette notion et d’être à même de comprendre les enjeux qu’elle revêt, qu’ils soient juridiques, économiques, sociaux ou technologiques.

LES BASES ÉTANT DÉSORMAIS POSÉES ET DANS LA CONTINUITÉ DE CET ARTICLE, LE PROCHAIN BILLET DE BLOG DU LAB DES USAGES SERA CONSACRÉ AU CLOUD SOUVERAIN.

Par Alexia Nay

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