Inclusion numérique interne : la responsabilité des employeurs dans la lutte contre l'illectronisme

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27 juillet 2023

Si les effets de la fracture numérique se font ressentir dans la vie personnelle des individus et notamment dans leur faculté à accéder à leurs droits, la situation d’éloignement numérique est tout aussi impactante dans leurs vies professionnelles : le manque de compétences numériques est classé au premier rang des freins sociaux à l’emploi.

LES COMPÉTENCES NUMÉRIQUES : UNE EXIGENCE QUASI-UNIVERSELLE DANS TOUS LES SECTEURS PROFESSIONNELS

Dans le paysage actuel, les entreprises françaises font face à une réalité où la numérisation n’est pas encore pleinement ancrée, principalement en raison d’un déficit de compétences numériques et d’un sous-investissement dans les outils numériques.

Les compétences numériques professionnelles appartiennent désormais à ce que l’on pourrait qualifier de compétences de base, nécessaires pour accéder à la plupart des emplois. On recherche a minima des salariés capables d’utiliser les logiciels de bureautique courants et des outils de communication électronique, de naviguer sur internet, d’accéder à leur planning et d’apprendre à utiliser des logiciels de gestion spécifiques à l’organisation. Des tâches et des compétences a priori courantes dans la vie professionnelle, mais qui en réalité ne le sont pas : nombre de professionnels n’ont pas recours aux outils numériques dans leur activité, n’ont pas la capacité d’utiliser des outils numériques, ou n’ont pas les compétences nécessaires à la réalisation de tâches qui sortent de leur référentiel quotidien au travail.

En réalité, les exigences entourant les compétences numériques des salariés n’épargnent aucun secteur : le besoin est partout. Les organisations cherchent à automatiser leurs processus, à tirer des statistiques de résultats sur les opérations effectuées, à archiver efficacement… Pour tant d’autres raisons, le recours au numérique est juste plus simple pour les organisations, mais permet surtout de gagner en productivité et en gestion du temps.

Il ne fait aucun doute que les bénéfices de l’autonomie numérique sont nombreux au travail. Pour autant, ils sont également source d’inégalités entre les travailleurs. Bien souvent, ces inégalités s’accompagnent de risques psycho-sociaux, de stress, d’un sentiment de déclassement ou encore de découragement. Les actions et propositions de formation aux technologies de l’information et de la communication (TIC) mises en place par certaines autorités locales et le monde associatif sont le plus souvent concentrées sur l’individu dans sa vie personnelle.

De ce fait, la problématique d’illectronisme au travail ne se résoudra pas toute seule, et surtout pas sans l’implication des employeurs. Il convient donc de concilier l’intérêt du salarié et sa montée en compétences numériques avec les besoins et responsabilités des employeurs. Il pourrait donc incomber aux employeurs une certaine responsabilité, celle de fournir les ressources nécessaires, telles que des formations adaptées, des outils technologiques adéquats et un soutien continu. De telles modalités contribueraient à créer un environnement de travail inclusif qui encourage l’apprentissage et la maîtrise des compétences numériques.

LE RÔLE ESSENTIEL DES ORGANISATIONS DANS LA MONTÉE EN COMPÉTENCES NUMÉRIQUES

Selon Pôle emploi, près de six établissements sur dix expriment un besoin de développer les compétences numériques au sein de leur personnel. Cependant, dans la réalité, les opportunités de formation sont souvent principalement offertes à ceux qui possèdent déjà un niveau avancé de compétences numériques. Les salariés en difficulté avec le numérique ont souvent du mal à demander de l’aide pour diverses raisons, telles que l’appréhension du jugement, la honte de leur situation ou encore la crainte de répercussions négatives.
Dans cette perspective, l’offre de formation émanant de l’employeur joue un rôle décisif pour les individus. Il conviendrait de renforcer la formation et la sensibilisation à tous les niveaux pour que les publics les plus éloignés du numérique puissent en bénéficier. Cela revient donc à investir dans la montée en compétences, voire la construction de compétences numériques des salariés. Cela peut impliquer la mise en place de programmes de formation réguliers, l’organisation d’ateliers ou de sessions d’apprentissage en groupe ou encore l’affectation de mentors ou de tuteurs pour accompagner les employés dans leur progression.

Si des actions de ce type existent d’ores et déjà, elles ont majoritairement été construites « sur mesure » par rapport aux besoins observés dans leurs effectifs. La mise en place d’une stratégie d’inclusion numérique interne n’est pas systématique, elle concerne surtout les grands groupes ou plus généralement les entreprises conscientes de la nécessité de soutenir leur transformation numérique.

La question du financement est un frein majeur pour les dirigeants, c’est pourquoi il convient de le considérer sous l’angle d’un investissement pour l’avenir et la pérennité des organisations. Ils doivent prendre mesure de l’importance concurrentielle et de l’intérêt de leur propre digitalisation et plus précisément que, pour être réussie, elle doit être portée par les salariés et donc par leur niveau de compétences.

Le travail se révèle être un élément déterminant pour les individus éloignés ou peu à l’aise avec les outils numériques, véritable levier de montée en compétences. L’environnement professionnel devient alors un espace privilégié où ces travailleurs peuvent bénéficier d’un apprentissage encadré, d’expériences concrètes et d’une mise en pratique régulière des outils et des technologies numériques. À bien des égards, c’est bel et bien à l’entreprise, à l’organisation d’agir sur l’illectronisme au travail, ne serait-ce qu’en raison de sa part de responsabilité s’agissant de la hausse des fractures numériques qui touchent certains salariés ou agents.

De ce fait, la valorisation des compétences numériques des employés dans la lutte contre l’illectronisme au travail est une étape incontournable de la stratégie d’inclusion numérique interne. Souvent confrontée à des oppositions et à un manque de motivation de la part des personnes directement concernées, l’organisation doit déployer une conduite du changement efficace afin de favoriser l’adhésion et la réussite de la stratégie : ce sera l’objet du troisième et dernier billet de cette série.

Par Karine Munschi

Sources :

  • [Dossier] Numérique et emploi : quelles compétences des salarié.e.s d’hier, d’aujourd’hui et de demain ? – Labo (societenumerique.gouv.fr)
  • Pôle Emploi. « Les entreprises face au défi des compétences numériques : 5 points pour comprendre », 2021
  • Sénat, Raymond Vall, 2020
  • Image d’illustration: storyset
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