Que devient la "ville intelligente" ?

@storyset (9)
17 avril 2019

Les projets de smart city se multiplient, penchons nous sur les cas dont l’écho retentit particulièrement en ce moment : Dijon, Helsinki et Singapour.

Selon la définition donnée par la CNIL, la Smart City, ou ville intelligente, vise à « améliorer la qualité de vie des citadins en rendant la ville plus adaptative et efficace, à l’aide de nouvelles technologies qui s’appuient sur un écosystème d’objets et de services ». La Smart City adresse l’ensemble des sujets urbains : transports, énergies, réseaux, administrations, services (dont la santé et l’éducation). De nombreuses initiatives visant à mettre en œuvre cette dynamique de ville intelligente ont vu le jour au cours des dernières années, en France et à l’échelle internationale. Ces projets, tantôt localisés (un secteur de la ville ou un périmètre d’application comme l’éclairage public à Chartres), tantôt globaux (émergence d’une ville nouvelle basée sur cette notion de Smart City) sont à des degrés de maturité et de succès variés. Quelle que soit l’issue des différents projets, force est de constater que ce marché est en pleine expansion ; le dernier rapport Worldwide Semiannual Smart Cities Spending Guide d’IDC estime que les dépenses mondiales consacrées aux projets de smart cities doivent atteindre 95,8 milliards de dollars en 2019 (+17,7 % par rapport à 2018), tandis que le cabinet Grand View Research estime que d’ici à 2025, le marché atteindra 2,57 trillions de dollars. Entre projection et réalité, que devient la Smart City en France et à l’international ?

La smart city en France, entre grands projets et gouvernance législative

En 2019, le Journal du Net recense 24 communes, métropoles ou communautés d’agglomération de toute taille ayant lancé un projet « Smart City » ; parmi les réalisations les plus courantes se placent en trio de tête l’open data, les smart grids (réseaux intelligents de distribution d’électricité) et le Wifi linéaire public. Les premières initiatives développées par ces organisations étant désormais en place, la voie est libre pour une seconde vague de projets ; ainsi, Saint-Étienne Métropole travaille sur un projet de détection automatique des bruits suspects, Paris mène une expérimentation de rue connectée, Issy-les-Moulineaux développe des outils prédictifs d’aide à la décision sur la circulation tandis que la Métropole Nice Côte d’Azur teste la reconnaissance faciale.

Parmi les communes françaises ayant opté pour la Smart City, un projet récent mérite que l’on s’y arrête. Dijon a dernièrement inauguré son projet global nommé « On’Dijon » ; derrière ce nom se trouve un dispositif permettant la gestion centralisée et connectée de l’ensemble de l’espace public de la commune. Ainsi, les feux de circulation, les lampadaires comme les caméras de surveillance sont voués à être tous connectés et pilotés en temps réel et à distance ; à ce jour, ce sont par exemple 43 000 lampadaires connectés qui ont été installés. Au-delà des applications auxquelles on peut penser en premier lieu comme la gestion des consommations énergétiques (d’ici à 2030, l’objectif est de pouvoir réaliser 65 % d’économie d’énergie) ou l’amélioration de la sécurité dans la ville, c’est l’ensemble du service public qui va bénéficier de ce dispositif. Ainsi, la police et les secours pourront s’appuyer sur la gestion des feux de circulation pour faciliter l’accès des secours aux différents lieux. Ce projet ambitieux, chiffré à 105 millions d’euros est co-financé par Dijon Métropole, la ville de Dijon, la région Bourgogne-Franche-Comté et l’Europe.

Si Dijon est l’un des projets les plus récents, la France connaît par ailleurs de belles réalisations ; Lyon a d’été classée première ville intelligente par le Parlement Européen en 2015. L’une des réussites de la ville est l’inauguration, il y a un peu plus de trois ans, d’un éco-quartier intelligent ; cet ensemble immobilier est le premier en France à produire davantage d’énergie qu’il n’en consomme. Bordeaux et Montpellier ont d’ailleurs emboîté le pas à Lyon, chaque métropole ayant travaillé à développer un éco-quartier.

Toutefois, les initiatives et expérimentations menées dans certains cas posent la question de leur légalité : alors que le cadre légal concernant la vidéosurveillance est très strict et peut permettre d’encadrer l’utilisation de la reconnaissance facial, le projet de Saint-Étienne sur l’écoute des bruits suspects profite d’un flou juridique (une bande audio pouvant être réécoutée sans limite) nécessitant une réflexion et la mise en place d’un cadre législatif permettant de garantir le respect de la vie privée des individus. C’est d’ailleurs la législation qui a conduit le projet de smart grid d’Issy-les-Moulineaux a connaître une fin « contrainte » ; lancé il y a 6 ans, Issygrid avait pour objectif de favoriser la production, la consommation le partage d’énergie au niveau local, tout en assurant un suivi plus fin de cette consommation pour mieux la maîtriser. Malheureusement, le projet n’a pu complètement aboutir car il n’a pas été possible de tester une fonctionnalité essentielle : le transfert d’électricité entre les différents membres du réseau, et ce à cause de la réglementation actuelle. Force est de constater que dans un cas comme dans l’autre, il est impératif et incontournable de faire évoluer la législation pour encadrer l’évolution de la ville intelligente mais aussi lui permettre de se développer.

Helsinki et Singapour, deux exemples de réalisation à l’international

À Helsinki, la municipalité tente de répondre à un objectif ambitieux établi il y a deux ans : comment atteindre la neutralité carbone d’ici à 2035 tout en accueillant 140 000 résidents de plus dans le même temps ? Pour ce faire, une expérimentation à l’échelle d’un quartier de 175 hectares est actuellement menée. Métro et tramways desservent le quartier pour limiter les déplacements en véhicule individuel, smart grid obligatoirement intégré aux bâtiments, connexion au réseau urbain de chauffage et pompes à chaleur assurent une consommation énergétique maîtrisée et maîtrisable. Mais au-delà de ces aspects « structurels », c’est une communauté et un état d’esprit que la ville veut développer : amélioration de la qualité de vie, évolution des usages et gain de temps sont autant de piliers d’une forme de smart citoyenneté indissociable du concept de ville intelligente.

Sur le continent asiatique, Singapour se place aux avant-postes ; ayant déjà investi un milliard de dollars pour développer la smart city, la mégalopole entend désormais passer à la vitesse supérieure et, à l’instar d’Helsinki, dépasser l’infrastructure pour se mettre au service de l’humain. Singapour fait face à de nombreux défis – conserver et développer son attractivité tout en accueillant un nombre croissant d’habitants sur un territoire de taille limitée – et la smart city offre des perspectives intéressantes dont certains aspects ont déjà fait leurs preuves. Ainsi, les transports publics sont très utilisés (45 % des habitants les utilisent, alors qu’en 2018 seulement 20 % des trajets se font en transports collectifs à Paris) et le taux de possession d’une voiture oscille entre 15 et 20 % des ménages. À titre de comparaison, en 2014 l’INSEE indiquait que le taux d’équipement automobile des ménages était de 66,7 % en Île-de-France et de 36,8 % à Paris – si ce dernier était le taux le plus faible de France, il n’est pas moins deux fois plus élevé qu’à Singapour.

Le panorama des projets smart city en ce début d’année 2019 montre l’atteinte d’un premier palier de maturité et la volonté de poursuivre et de développer de nouveaux aspects de la ville intelligente. Si l’on en croit les exemples de nos voisins européens ou les résultats obtenus pour Singapour, l’infrastructure matérielle et technique – bien que fondamentalement nécessaire et absolument incontournable – n’est qu’un pilier des villes intelligentes dont l’avenir réside dans un changement de mentalité et un état d’esprit résolument tourné vers une (r)évolution de nos modes de vie urbains.

Par Galadriele ULMER

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