Les principaux obstacles au déploiement d'une stratégie d'inclusion numérique interne

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8 novembre 2023

Le billet de blog précédent abordait la responsabilité des employeurs dans la lutte contre l’illectronisme, érigeant la stratégie d’inclusion numérique au sein d’une organisation comme inévitable catalyseur de transformation.

Le domaine de la recherche se focalise depuis des décennies sur l’étude des entraves au processus de mise en œuvre du changement au sein des organisations et offre aujourd’hui une compréhension solide du phénomène de la « résistance au changement » chez les individus, permettant ainsi aux décideurs d’adapter leur gestion du changement dans un contexte numérique.

LES MECANISMES PSYCHOSOCIAUX ET LES DEFIS DE L’INCLUSION NUMERIQUE EN MILIEU PROFESSIONNEL

Actuellement, il est courant de recourir à la notion de mécanismes psychosociaux pour expliquer les réactions des individus face au changement. La mise en œuvre d’une stratégie d’inclusion numérique conduit à mener des projets pouvant causer plusieurs types de réactions allant d’une certaine hésitation de la part de ceux qui sont directement touchés à de la résistance ouverte. Du point de vue des employés ou des agents, une telle démarche ne touche pas uniquement aux transformations induites par le numérique ou aux opportunités de développement de carrière, mais elle peut constituer une remise en question de leurs compétences numériques.

Les appréhensions liées au changement nécessitent une réponse appropriée. Ignorer ces inquiétudes ne mène nulle part, en réalité l’écoute s’avère cruciale, car l’attachement au statu quo révèle des informations significatives sur les individus ainsi que sur la culture de l’entreprise ou de l’organisation.

L’expérience des projets de transformation montre que l’appréhension provient parfois de la familiarité avec les méthodes et outils de travail en cours. Elle est alors une manifestation du biais cognitif des coûts irrécupérables qui se caractérise par la persistance des individus dans leurs pratiques actuelles même lorsque celle-ci ne sont pas optimales, dans le but d’amortir le temps et les efforts investis dans la maîtrise du système en place.

Par ailleurs, sachant que l’influence de la dynamique sociale est un facteur prépondérant dans la mise en œuvre d’une stratégie interne (son succès dépendra de la conviction d’une masse critique d’individus quant à ses avantages), son introduction ne devrait en aucun cas être une démarche unilatérale. Par ailleurs, sachant que l’influence de la dynamique sociale est un facteur prépondérant dans la mise en œuvre d’une stratégie interne (son succès dépendra de la conviction d’une masse critique d’individus quant à ses avantages), son introduction ne devrait en aucun cas être une démarche unilatérale. L’engagement dans un dialogue constructif avec les parties prenantes est impératif, car il facilite la satisfaction des besoins, la réduction des inquiétudes, l’explication et la clarification de la démarche, et surtout, permet d’obtenir une vision globale de la situation.

TRANSPARENCE, CONFIANCE ET ENGAGEMENT : LES PILIERS DE LA COMMUNICATION INTERNE DANS LE CHANGEMENT

La qualité de la communication interne joue un rôle crucial dans la cohésion et la motivation au sein d’une organisation, surtout lorsqu’il s’agit de conduire un changement majeur. Elle permet de rassembler les individus et de prévenir les freins cognitifs liés à l’incertitude ou au manque de considération.

Dans le cadre d’une stratégie d’inclusion numérique, il est essentiel d’adapter les canaux de communication aux besoins spécifiques de l’organisation. Par exemple, si de nombreux employés ne sont pas familiers avec les outils numériques (voire n’en font pas ou très peu usage dans leur quotidien au travail), limiter la communication interne aux supports numériques n’aurait pas de sens et ne favoriserait pas une communication de haute qualité. Il est donc important d’ajuster les canaux de communication en fonction des besoins et de fournir la formation et le soutien nécessaires.

Pour réussir la mise en place de la stratégie d’inclusion numérique, il est crucial de susciter l’intérêt et la motivation des employés. Sans leur adhésion, la stratégie est vouée à l’échec avant même qu’elle ne soit déployée.

Les employés et les agents sont plus enclins à adhérer au changement et à contribuer activement à sa réalisation lorsqu’ils sont tenus informés des objectifs, des raisons et des étapes du changement. La transparence favorise également un climat de confiance et renforce la perception d’un traitement équitable, ce qui est essentiel pour maintenir la motivation et l’engagement des employés.

La communication de haute qualité ne se suffit pas à elle seule. Les supérieurs hiérarchiques exercent une influence significative sur leurs équipes, ce qui souligne l’importance d’une vision partagée du changement et de son utilité. C’est dans ce contexte que l’effet Pygmalion est un levier de réussite. Ce phénomène met en évidence le fait que les attentes élevées d’un supérieur hiérarchique peuvent influencer positivement les performances de son équipe. Ainsi, un supérieur hiérarchique exprimant sa confiance dans le changement et dans la capacité des employés à s’adapter et à réussir crée un environnement propice à l’apprentissage et à la collaboration.

SENSIBILISATION AU CHANGEMENT NUMERIQUE : LE PILIER DE LA PERCEPTION DE L’UTILITE DU CHANGEMENT

Susciter la perception de l’utilité du changement constitue une étape cruciale. Si une part significative des employés en France estime que le numérique permet de faciliter leur travail, 39% d’entre eux considèrent qu’il est source de stress (BVA Group, 2019). En somme, ce stress vient d’une appréhension quant à l’obsolescence des compétences et de la perte d’emploi, mais également d’une inquiétude quant au droit à la déconnexion en raison des outils numériques partagés (utilisation d’un smartphone connecté à la messagerie professionnelle par exemple).

Ces constats mettent en évidence l’ampleur du besoin en sensibilisation et en formation pour faire évoluer les perceptions. Les avantages attendus du numérique en entreprise sont nombreux, la variabilité des compétences numériques nécessaires l’est donc aussi. À titre d’exemple, l’abondance des informations accessibles en ligne ne peut être judicieusement exploitée qu’à condition de posséder les compétences pour le faire.

On observe alors au sein d’une même organisation, voire fréquemment au sein d’une même équipe, que la digitalisation engendre une charge supplémentaire pour ceux qui maîtrisent le numérique , En effet, ces individus autonomes sont souvent sollicités en premier lieu par leurs collègues qui n’ont pas le même niveau de compétences.

En conclusion, la résistance au changement occupe une place indéniable parmi les freins à la transformation digitale, mais les organisations doivent également se préparer à la complexité du sujet, au manque de compétences en interne et à l’importance des moyens financiers à déployer. Le succès d’une stratégie d’inclusion interne repose sur la capacité des individus à internaliser les valeurs et opportunités du changement et à les diffuser au sein de l’organisation. En d’autres termes, le changement ne peut aboutir sans la pleine participation des acteurs qui la composent.

Par Karine Munschi

Sources :

  • Frédéric Dubois, Transformation digitale : pourquoi plus de freins humains que techniques ? Les Echos, 2 novembre 2017.
  • Sondage BVA, L’appréhension du numérique par les salariés. Quelles sont les inquiétudes ? Les opportunités ? 2019.
  • Muriel Jasor. « La sécurité psychologique est le plus puissant levier de motivation des équipes ». Les Echos, 8 juin 2023
  • Richard Soparnot. « Les effets des stratégies de changement organisationnel sur la résistance des individus », Recherches en Sciences de Gestion, vol. 97, no. 4, 2013
  • David Autissier, Isabelle Vandangeon-Derumez, et Alain Vas. Conduite du changement : concepts clés. 60 ans de pratiques héritées des auteurs fondateurs. Dunod, 2018
  • SGAR Occitanie, Cog’X, Etude des freins cognitifs et comportementaux des agents de l’État face au numérique, Rapport SGAR, 2019
  • Image d’illustration: storyset
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