Télétravail : déconfinés, éloignés, mais toujours reliés ?

@storyset (21)
2 juin 2020

Avec la levée du confinement depuis la mi-mai, plusieurs milliers de salariés retrouvent progressivement le chemin des bureaux et locaux de travail. Toutefois, nombre d’entreprises et d’organisations ont fait le choix de maintenir leurs employés en télétravail. Certaines fonctions, notamment support, alternent désormais entre présentiel et distanciel. Néanmoins, pour celles dont la présence physique n’est pas nécessaire, le maintien en télétravail à temps complet est souvent envisagé jusqu’à septembre. Et après ?

Certaines de ces entreprises envisagent déjà de poursuivre sur cette lancée et d’introduire le télétravail à temps partiel dans l’ADN de leur organisation. D’autres n’y ont pas réfléchi ou ne souhaitent peut-être pas poursuivre sur ce mode de fonctionnement. La mise en œuvre à marche forcée et à grand échelle du télétravail aura été pour certaines organisations – qui n’étaient pas forcément ouvertes à ce dispositif – la preuve par l’exemple que cela est possible. Pour d’autres, cela aura été l’occasion de tester un dispositif déjà mis en place plus ou moins largement.

Quoi qu’il en soit, toutes les entreprises et organisations concernées ont là une opportunité sans précédent de capitaliser à partir d’une expérience in vivo et d’inscrire le télétravail comme un véritable projet d’entreprise reposant sur une organisation et une stratégie spécifiques. Ces enseignements doivent faire ressortir les points de blocage comme les réussites, afin de faire évoluer le fonctionnement de l’organisation dans son intégralité. Pour réussir cette démarche, il existe plusieurs défis à relever.

COMMENT CAPITALISER ?

Une capitalisation, pour être utile, doit être organisée comme un audit, surtout au sortir d’une période de crise. L’évaluation de la mise en place du télétravail est à la fois qualitative et quantitative et concerne les éléments suivants :

  • La politique d’équipement : les collaborateurs disposaient-ils des équipements nécessaires (ordinateur portable, téléphone professionnel, connexion Internet sécurisée) ? Sinon, a-t-on pu leur fournir rapidement ? Pourquoi et comment ?
  • Les outils logiciels à disposition permettaient-ils la mise en œuvre du télétravail ? D’autres outils ont-ils été déployés spécifiquement ? Lesquels, et quel a été leur apport ? Il s’agit pour une organisation de définir précisément quels sont ses besoins (en prenant en compte le nombre de collaborateurs, l’existant, l’intégration au système d’information, les coûts) et d’identifier la ou les solutions les plus adaptées.
  • L’intégration du télétravail dans les pratiques et même, dans ce cas, l’adaptation des pratiques à un nouveau mode de travail : a-t-on maintenu (quand cela était possible) l’activité et l’efficience ? Pourquoi ?
  • Quelle a été la place et le rôle du management pendant cette période ? Des ajustements ont-ils été réalisés, et si oui lesquels ?
  • Comment a été (re)pensée la relation « humaine » à distance ?

Ces questionnements doivent aboutir à une évaluation honnête et globale de l’expérience du télétravail en identifiant les points bloquants, les axes d’amélioration et les succès. La liste n’est évidemment pas exhaustive, mais elle constitue le point de départ pour apporter des réponses aux défis restant à relever.

S’il est possible d’identifier de nombreux défis quand il s’agit de télétravail, nous avons choisi de nous intéresser à deux d’entre eux :

  • Le management en temps de crise ;
  • La transformation numérique.

MANAGEMENT ET ADAPTABILITÉ EN TEMPS DE CRISE (ET APRÈS)

La mise en place du télétravail suppose une adaptation des modes de management et de certains processus ; en ce sens il est important de rendre visibles « autrement » les flux et modes de fonctionnement, mais aussi de faire évoluer les pratiques managériales. Le Journal du Net le soulignait en tout début de confinement, « l’adaptabilité est une qualité managériale primordiale dans une économie où la compétitivité se joue de plus en plus sur l’innovation », ce qui montre combien c’est un élément crucial.

À défaut de se voir physiquement et de pouvoir échanger autour d’un café, le télétravail suppose de trouver des pratiques adaptées à ces nouveaux modes d’échange et de travail. L’évolution vers des pratiques dites agiles semble être une perspective intéressante, laissant la place à un nouveau degré d’autonomie des collaborateurs et à un cadre de travail adapté.

Pour que le télétravail se passe au mieux et « fonctionne » (c’est-à-dire qu’il permette d’atteindre les objectifs de travail), il est important, pour ne pas dire incontournable, de définir des règles de fonctionnement spécifiques. En effet, si le télétravail, notamment à temps plein, induit une part d’asynchronicité dans les échanges, il ne doit pas être l’occasion d’un relâchement managérial. Il est nécessaire, pour des équipes désolidarisées sur le plan physique, de trouver du sens et de partager une dynamique commune dans ce nouveau mode de travail. Les activités doivent être encadrées (c’est aussi là qu’intervient le manager), les réunions du lundi matin autour d’un café se font désormais grâce aux outils de visioconférence, et les modalités d’attribution des tâches doivent être claires et lisibles pour tous.

Afin de faciliter la distribution du travail, d’identifier rapidement les points de blocage et de faciliter la prise de décision, il est nécessaire de « faire voir » ces éléments aux collaborateurs qui n’ont plus la possibilité de travailler en face-à-face. De nombreux outils permettent d’établir des « tableaux » ou listes de tâches, de les attribuer et d’en visualiser l’avancement. Si l’outil est une base nécessaire, son utilisation doit s’accompagner d’un management adapté. Les managers doivent accepter de « déléguer » une partie de leur activité aux collaborateurs, qui sont responsables du bon remplissage des outils. Cela ne prive pas le manager de son rôle d’encadrant (l’évolution des pratiques managériales pouvant susciter la crainte de perdre du pouvoir), puisque sur la base des éléments renseignés par les collaborateurs, il peut suivre l’avancement des projets et du travail quotidien.

Toutefois, son rôle évolue sensiblement d’un management de personnes vers un management d’activités. Il est l’animateur d’une dynamique dans l’équipe qui se retrouve éloignée physiquement, il arbitre les décisions et priorise les tâches, et il fait remonter aussi bien les blocages que les succès rencontrés. La définition de ces nouveaux modes de fonctionnement est aussi vitale pour les collaborateurs, qui doivent disposer d’un cadre de travail établi, que pour les employeurs, qui demeurent nombreux à manquer de confiance envers leurs salariés lorsqu’il s’agit de responsabilisation et d’autonomie.

TRANSFORMATION NUMÉRIQUE ET DIGITAL WORKPLACE

À travers les éléments discutés précédemment, on retrouve souvent, de manière sous-jacente ou plus visible, la question des outils de travail, et notamment des outils logiciels. Evidemment, parler de télétravail sans évoquer les outils serait une gageure ; toutefois, l’objectif n’est pas ici de faire une liste à la Prévert des solutions pouvant être déployées par les entreprises, mais plutôt d’envisager le futur de l’entreprise à travers le numérique.

Depuis plusieurs années maintenant, différentes « vagues » d’outil (intranet, intranet collaboratif, plateforme collaborative, etc.) ont été déployées – avec plus ou moins de succès, il faut le dire – par les entreprises pour proposer une façon innovante (ou à défaut, nouvelle) de travailler, en tentant de relier les collaborateurs à travers un outil partagé par tous. Toutefois, l’outil sans le cadre de travail n’est que bien peu de choses (la réciproque est assez vraie également). Le télétravail, la distanciation physique et la remise en question des pratiques managériales sont l’occasion d’intégrer pleinement les outils dans la réflexion.

D’ailleurs, non content de les intégrer dans la réflexion, il faut relier ces questionnements. En effet, la transformation numérique d’une entreprise ne passe pas uniquement par la mise en œuvre d’outils numériques, elle repose sur une démarche globale. Qui dit démarche globale dit réflexion d’ensemble… Peut-être est-ce là l’occasion pour les entreprises de faire leurs premiers pas vers la Digital Workplace ? Ce nouvel environnement, qui unifie les technologies utilisées pour ne proposer qu’une seule interface d’accès « met en cohérence l’ensemble de ces moyens de communication, transforme « l’expérience collaborateur » et favorise efficacité et innovation collaborative » (Deloitte). Elle répond notamment aux préoccupations liées aux changements dans les modes de travail (et notre récente expérience du télétravail en a été un !). Ce qui semblait (et peut encore sembler pour certaines organisations) être un mythe pourrait bien prendre forme rapidement.

Par Galadriele ULMER

Sources :

  • Image d’illustration @storyset
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